interview d’Hubert del Marmol sur la nouvelle politique agricole commune (PAC)

Hubert del Marmol cultive autrement

Dès 2014, la nouvelle politique agricole commune (PAC) prendra un nouveau tournant pour 6 ans. Hubert del Marmol est éleveur et agrobiologiste de la Ferme Bio du Petit Sart d’une vingtaine d’hectares, implantée à Grez-Doiceau (à 40 km à l’Est de Bruxelles). Sa petite exploitation mixte qui conjugue grandes cultures, élevage et maraîchage, offre de l’emploi à… 8 personnes ! Il nous explique ci-après son cheminement bio et donne son avis sur la nouvelle PAC.

Sa transition et son avis sur la nouvelle P.A.C.

Vous étiez agriculteur conventionnel, pourquoi avez-vous converti votre petite ferme à l’agriculture biologique ?

C’est un cheminement intellectuel d’abord, une prise de conscience, une remise en question de ce que je faisais « par habitude ».

Ensuite, c’est une démarche pratique, c’est aussi et surtout pour être plus en accord avec moi même, pour essayer de faire correspondre mes actes et ma conscience.

Depuis le décès de mon père, je suis « responsable d’un morceau de planète », que « j’exploitais » de manière conventionnelle. Aujourd’hui, «  je cultive » ces terres, c’est là toute la différence.

 

Vous faites la différence entre cultiver et exploiter, pouvez-vous m’en dire plus ?

La terre, le sol plus exactement, est un milieu très complexe, avec une vie intense et grouillante.

Par gramme de terre, il y a des milliers de bactéries, d’êtres unicellulaires et pluricellulaires, de champignons microscopiques, de collemboles, cloportes et vers de terres de tous genres et j’en passe …

Tous ces êtres vivants « digèrent » la matière organique du sol et la transforme en éléments nutritifs qui seront accessibles à un moment donné, aux racines des plantes qui vont pousser sur ce sol. C’est ça la fertilité.

En agriculture bio, on fait tout pour avoir un sol « grouillant » pour y semer par exemple une céréale qui trouvera, on l’espère (et on fait tout pour cela), les éléments nécessaires à sa croissance, pour sa santé aussi afin de se défendre contre les attaques des maladies et donner au final une récolte à l’agriculteur, son revenu.

En agriculture conventionnelle, on « soigne » la plante en lui apportant une max d’engrais à ses différents stades de croissance, on la traite (pulvérise) quand il y a des signes de maladies, etc. Je fais un peu la comparaison avec une personne nourrie par perfusion sous forme de « baxter », elle aura tout ce qu’il faut mais ce n’est pas suffisant. On ne vit pas toute sa vie avec des baxter et des « pilules ». Bien sûr, cela donnera au final de plus grands rendements à l’hectare, mais à quel prix ? 

1. Prix santé : car inévitablement dans les récoltes conventionnelles, il y aura des résidus de pesticides dans les récoltes (qui ne sont pas bons pour la santé). Il n’y a jamais eu autant de cancers qu’aujourd’hui. Il y aurait probablement un lien entre résidus de pesticides et Cancer, Parkinson, Alzheimer, … Pour nos sociétés, c’est un énorme coût pour les Sécurités Sociales.

2. Prix environnemental : On parle partout de pertes de biodiversité, mais si on empêche (pulvérise) toutes les « mauvaises herbes » des pousser, à la longue elles disparaissent de nos campagnes avec les disparitions de leurs prédateurs (insectes, oiseaux …), et les prédateurs des prédateurs etc. Si la biodiversité du sol diminue, les sols sont moins « travaillés », moins ameubli et donc moins perméables aux eaux de pluies. En cas de gros orages, de pluies intenses, l’eau ruissèlera plus rapidement sans pénétrer dans ces sols. Le prix des inondations, ce sont les dégâts causés. Dégâts aux populations qui perdent tout, dégâts aux infrastructures. Tout cela est très coûteux pour les collectivités, les assurances, les communes, … les Etats.

3. Prix de l’eau potable : plus d’engrais chimiques dans les champs signifie plus de nitrates qui percolent dans les sols et se retrouvent dans les nappes phréatiques. Et ça coûte des fortunes aux collectivités pour les retirer des eaux potables car ils sont cancérigènes.

4. Prix sociétal : car l’agriculture bio est fournisseuse d’emploi, de beaucoup d’emplois souvent pour personnes peu qualifiées. Cette main d’œuvre n’est pas urbaine par définition. Elle permet d’empêcher cette désertification des campagnes que nous connaissons. Elle permet aussi une alimentation plus locale. Elle permet de tisser plus de liens entre producteurs et consommateurs.

 

Le bilan carbone de l’agriculture bio serait à faire.

Car pour produire des engrais chimiques, des pesticides, il faut énormément de pétrole, à chaque étape.

En bio, les rendements sont environ de moitié en céréales par rapport au conventionnel mais au total pour nos sociétés, je suis persuadé qu’ils sont largement positifs mais mes propos sont certainement à l’opposé de ce que pense Monsanto, Bayer, l’industrie pétrolière, l’industrie des nitrates, ….

 

Que pensez-vous de la nouvelle PAC qui arrive ?

Je pense que ça va vers un mieux, mais c’est très lent, trop lent. Les lobbys de l’agro-industrie ont bien fonctionné pour réaliser les nouveaux accords (2014-2020) de la PAC.

J’ai un exemple à vous partager: j’ai un voisin qui produit des pommes de terre industrielles. Il vient chez moi pour acheter les pommes de terre bio pour sa consommation personnelle…  Il m’a dit qu’il pulvérisait ses champs de pommes de terre tous les 8 jours et parfois 2 fois par semaine quand les conditions climatiques l’exigent. Il ne mange pas ses productions. Il sait pourquoi. A vous de vous faire une opinion.

5% de verdissement obligatoire … ce n’est vraiment pas assez pour toutes les raisons que je vous ai expliquées plus haut.

Des aides plus importantes aux petites fermes, ça va dans le bon sens pour lutter contre la désertification des campagnes par exemple.

Mais je pense que les aides devraient être plafonnées à 50.000 ou max  100.000 € par exploitation au lieu des 300.000 proposés.

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Hubert del Marmol : « Je pense que la nouvelle Politique Agricole Commune va vers un mieux, mais c’est – hélas ! – très lent, trop lent. Les lobbys de l’agro-industrie ont bien fonctionné pour réaliser les nouveaux accords (2014-2020) de la PAC ».

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Je suis « responsable d’un morceau de planète », que « j’exploitais » avant de manière conventionnelle. Aujourd’hui, à la Ferme Bio du Petit Sart «  je cultive » ces terres, c’est là toute la différence.

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